Prostitution en col et en cravate.

Tu es là,
dans ton petit costume,
dans ta petite peur,
tu ricanes de voir les filles au mur,
tu les lorgnes de loin
et tu les traites de putains.

Et si, au-delà de l'autre trottoir,
tu balayais ton seuil,
mon frère, mon miroir.
Si, un instant, tu regardais ta vie
dans tous les coins,
sous tous les plis.
Si, soudain,
dans un petit réduit de ta petite tête,
une bouffée de conscience
déchirait ton calme, ta suffisance.
Alors peut-être, réalisant
ce que tu fais de tes dix doigts,
tu verrais qu'on se défend bien
au palmarès des putains.

Je vends mes bras, je vends mes mains
et ma vie par petits chagrins.

Bien sûr, nous, on ne s'exhibe pas;
c'est plus feutré,
c'est plus sournois.
On pratique doucement, en famille,
avec les Joseph, les Marie
qui s'entassent en paysagers.

Comme ils ne savent plus ce qu'ils sont
avec leurs mains pâles,
leur cravate,
leur mise en plis, en condition,
leur bouche d'hypocrite,
ils disent qu'ils sont employés.
Employés,
c'est qu'ils ont raison,
employés, ils sont employés,
employés à jouer les cons.
Dès que le patron-maquerelle,
à l'ombre de ses sbires,
anonyme,
manipule un peu les ficelles
par où descend la loi,
ils se couchent.
Pantins de papier
qu'il reste à jeter aux poubelles
quand on s'en est servi.
Ce ne sont pas les matériaux qui manquent;
ils font la file dehors,
milliers à vouloir profiter du sort :
ils attendent qu'enfin
heureux élus,
on leur grimpe dessus.
Les filles au moins
on les appelle Lili, Lola;
nous, on a pas de prénoms doux,
on est seulement un numéro.

Je vends mon sang, je vends ma peau
et ce qu'il me reste de cerveau.

Ne ris pas des filles au tapin,
si tu cherches vraiment une putain,
j'en suis une.

Sur tous tes mots dans ce texte, y mettre ceux que tu ne peux écrire, le paysage devient un enfer mais sommes-nous damnés? Entre nous deux, nulle tricherie n'est possible, les mots ne servent plus à rien, le silence est de mise en attendant que tu mettes le feu...